LES CHARGES LOCATIVES ET LA FAUTE DU BAILLEUR
Dans une décision du 21 juillet 2025, la Cour d'appel de Colmar a donné raison à Mme S. et a infirmé le jugement de première instance qui l'avait condamnée notamment au paiement d'arriérés de charges.
Sur appel de Mme S. nous avions réclamé la condamnation de SEDES, Bailleur social, à lui rembourser les sommes payées/
Au titre des charges des années 2019, 2020 et 2021,
- Au titre des provisions sur charges des années 2019, 2020, 2021 et 2022,
- Au titre des provisions sur charges de l’année 2023,
Nous avions également sollicité de la Cour qu'elle juge n’y avoir lieu au paiement de la régularisation des charges de l’année 2022 appelées par courrier du 11 juillet 2023.
Pour défendre les intérêts de Mme S. nous nous sommes prévalus essentiellement du principe de la répétition de l’indu relatif à la régularisation des charges et de l’obligation du bailleur de communiquer, tant un décompte détaillé par nature de charges que, dans les immeubles collectifs, le mode de répartition des charges entre les locataires, sous peine, en l’absence de l’un ou l’autre de ces justificatifs, de devoir rembourser les provisions encaissées.
La Cour d'appel a fait droit à notre argumentation.
Elle s'est fondée sur l'article 23 de la Loi du 6 juillet 1989 qui définit la notion de charges récupérables et précise, s’agissant de leurs modalités de paiement, qu’elles peuvent donner lieu au versement de provisions et doivent, en ce cas, faire l’objet d’une régularisation annuelle. Les demandes de provisions sont justifiées par la communication des résultats antérieurs arrêtés lors de la précédente régularisation et, lorsque l’immeuble est soumis au statut de la copropriété ou lorsque le bailleur est une personne morale, par le budget prévisionnel.
Dans cette décision, la Cour a constaté que la bailleresse a adressé les décomptes de régularisation des charges des années 2019, 2020 et 2021 successivement par courriers des 11 mars 2022, 7 avril 2022 et 24 août 2022 sous la forme d’un « relevé individuel de régularisation » portant énumération des diverses charges locatives avec mention, pour chacune, du montant à répartir, la quote-part afférente, les jours de présence, les provisions, les dépenses et le solde dû, outre un tableau reprenant les index relevés sur le compteur d’eau, la consommation et le prix du mètre cube ainsi que le montant dû.
Or, ces décomptes n'étaient accompagnés d’aucune précision ou pièce annexe relativement au résultant antérieur ou budget prévisionnel de la copropriété, ni d’éléments détaillant le mode de répartition entre les locataires ou note d’information.
Seul le décompte transmis le 11 juillet 2023 relativement aux charges 2022 comportait un document intitulé « justificatif individuel » émanant de la société Ocea qui portait mention de relevés d’index d’eau chaude, eau froide et d’une consommation en Kw/h dénommée « thermique chaud ».
La Cour a toutefois confirmé ce que nous avions pointé du doigt, à avoir que même à la lecture de ce document, il était impossible de déterminer si le chauffage était un dispositif individuel, comme le soutenait la Bailleresse, ou collectif, comme cela était mentionné dans l’état des lieux d’entrée, étant précisé que la note explicative figurant au verso du relevé Ocea indiquait qu’en présence d’un répartiteur, une ligne afférente figurait dans son relevé alors que la mention « thermique chaud » correspondait au « total des consommations de chaque appareil (si plus de 1 compteur) ».
La Cour d'appel devait également relever qu'il était impossible d'identifier le tarif du kW/h en l’absence de toute mention en ce sens sur les relevés et de toute production de facture, que la somme réclamée au titre du chauffage des années 2021 et 2022 avait considérablement augmenté puisque passant de 648,07 euros en 2019, 638,35 euros en 2020 à 1 099,98 euros en 2021 et 2 976,20 euros en 2022 avant de revenir à 525,30 euros en 2023, l’application des boucliers tarifaires étant d’ailleurs présentée différemment en 2022 et 2023.
En résumé, la Cour d'appel a jugé que les décomptes de charges de Mme S. étaient imprécis et non justifiés ce qui légitimait sa demande.
SEDES, Bailleur social de Mme S., a donc été condamné par la Cour d'appel, à rembourser à Mme S. :
Les sommes payées au titre des régularisations de charges des années 2019 à 2021,
- Les sommes payées au titre des provisions de charges des années 2019 à 2022,
- Les sommes payées au titre des provisions de charges de l'année 20023
La Cour a également débouté le Bailleur de sa demande de condamnation de Mme S. au paiement de l'arriéré locatif arrêté au 31 mars 2024.
Elle a encore jugé que Mme S. n'avait pas à payer la régularisation des charges de l'année 2022.
Enfin, la Cour a considéré que le Bailleur de Mme S. avait commis une faute en réclamant, sur quelques mois, la régularisation de trois années de charges et l'a condamné à payer à Mme S. des dommages et intérêts en réparation de son préjudice.
Autrement dit, il est nécessaire de vérifier non seulement la précision des décomptes de charges, mais également celle des demandes de régularisation d'arriérés de charges.
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